JAPON / Nikko – bénie des dieux

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S’il est une ville que j’avais envie de découvrir dans les environs de Tokyo, après Kamakura et son Daibutsu qui m’a malheureusement échappé, c’était bien Nikko. Son site de temples est classé au patrimoine mondial. Là-bas, il n’y a que des temples et des sanctuaires, et des musées sur lesdits temples et sanctuaires. Si je vous saoule avec mes histoires de sanctuaires et de dieux, je vous conseille d’arrêter la lecture de ce billet maintenant parce que ce n’est pas prêt de s’arranger. #PassionSanctuaires

Ce matin-là, j’ai fini ma nuit dans l’express qui m’emmenait à Nikko, petite ville dans la montagne. Je suis pleine d’enthousiasme et d’espoir pour cette journée, que j’ai donc commencée très tôt (il faut 2 heures de train depuis Tokyo). Premier constat : à Nikko, tout le monde parle anglais. Le centre touristique est même dans la gare. On m’avait dit que c’était un site très prisé. Deuxième constat subséquent : c’est plein de touristes. Je veux dire, beaucoup plus plein que ce que j’imaginais. Ça aurait d’ailleurs dû me mettre la puce à l’oreille.

On me demande si je veux rejoindre la zone des temples en bus. C’est 20 minutes à pied, je choisis évidemment de marcher. Il fait déjà une chaleur à couper le souffle. J’essaie de trouver la rivière pour au moins profiter de la vue : la rivière ici est source d’énergie, plein de petites centrales sont visibles sur l’autre rive. La promenade n’est pas excessivement jolie, mais c’est toujours mieux qu’une grande route. Et je profite du bruissement des herbes, des grillons et des oiseaux. La première attraction connue sur laquelle on tombe sur la route des temples, c’est le Pont Shinkyo.

Nikko-bridge

Mon premier temple est le Toshogu. Il paraît que c’est la perle de Nikko. Il faut payer 1300¥ pour y entrer. C’est le temple qui possède le portique sacré sur lequel figure l’une des plus anciennes représentations des Singes de la Sagesse. Leur signification puise son origine dans une maxime contenue dans les entretiens de Confucius : « Devant l’impolitesse, ne pas regarder, ne pas écouter, ne pas parler, ne pas bouger. » Mais on le traduit dans le Bouddhisme Tendai (obédience de ce temple) : « Je n’entends pas le mal, je ne vois pas le mal, je ne dis pas de mal ».

Le torii menant au Toshogu est impressionnant. Et il est surtout impressionnant par le nombre de touristes qui gravissent les marches pour accéder au sanctuaire. Ça aussi, ça aurait dû me mettre la puce à l’oreille. Mais bon, je suis tellement obnubilée par les temples que je rentre dans tous ceux que je vois ! A Kyoto, cette habitude risque de me jouer des tours d’ailleurs. Je continue de progresser vers l’intérieur : à certains endroits, c’est difficile de faire un pas, il y a des gens partout. Et pour finir, je parviens au bâtiment principal et là… MAIS… mais c’est un temple chinois ce truc !!

Calmons-nous, c’est peut-être juste la première porte. Mais non, tout le temple est comme ça : avec des dorures et des moulures partout, des sculptures de créatures fantastiques aux couleurs criardes… Bon oui, ok, c’est beau, mais le style chinois ça va, je le connais. Moi, je voulais voir un immense sanctuaire à l’esthétique dénudée, aux torii rouges et aux sobres sculptures de pierre dans un jardin zen avec un point d’eau…

Un peu déçue et énervée par le monde qui pullule autour de moi (je ne vois pas comment on peut se recueillir dans une atmosphère pareille. Les prêtres shintô font même visiter le bâtiment principal à la chaîne) je continue néanmoins ma visite, histoire de rentabiliser le ticket. Le seul endroit que j’aurai vraiment apprécié dans ce temple est le tombeau d’Ieyasu, sobre et majestueux au milieu des cèdres centenaires, qu’on atteint après avoir gravi un très long et abrupt escalier de pierre dans la montagne. Il y a même un gros arbre sacré.

Je parviens à me sortir de cet endroit, presque essoufflée. Déjà déçue, je me dis que cette journée ne commence pas très bien. Mais ne nous décourageons pas ! On n’a quand même pas fait tout ce chemin pour rien. Je sors la carte qu’on m’a donnée au centre touristique et élabore le parcours à faire dans la montagne pour rejoindre les sanctuaires et les cascades. Dix minutes plus tard, me voilà lancée dans la forêt.

Il ne faut pas plus de quelques instants de marche avant de tomber sur un sanctuaire abandonné couvert de mousse : exactement ce que je cherchais ! Je commence à me dire que je suis sur le bon chemin.

Plus j’avance et je grimpe, plus je tombe sur de nouveaux sanctuaires, pour finalement atteindre le plus au nord indiqué sur la carte, Takino. Ce vert, ces statues couvertes de mousse, l’ombre des feuilles sur la pierre… j’ai l’impression d’être dans un mélange du Voyage de Chihiro et de Princesse Mononoke, lorsqu’Ashitaka progresse dans la forêt avec son caribou japonais (Yakuru). Les grillons sont très bruyants dans la forêt, il fait extrêmement chaud et je suis en nage. Mais je suis si contente que cela m’est bien égal ! Qu’il pleuve, qu’il vente (ça va arriver avec le typhon, ne parlons pas trop vite…) avancer dans ces forêts sacrées, ça n’a pas de prix.

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>>> Guide Nikko : les 7 incontournables <<<

Une fois la cascade et le dernier sanctuaire du sentier atteints, il est temps de redescendre vers le site de temples plus prisé. Je grimace intérieurement, mais l’un des sanctuaires qui se trouve là est tout de même à visiter, Futarasan-jinja. J’espère qu’il ne sera pas trop bondé. En chemin, je croise un paisible Bouddha, devant lequel je me recueille un court instant. Puis je descends vers le site du Futarasan-Jinja. Tout va bien. Il est très beau, et de nombreuses déités y sont vénérées, mais c’est principalement le sanctuaire dévolu aux trois montagnes protectrices de Nikko : le Mont Nantai (2 484 m), le Mont Nyoho (sa compagne) et le Mont Tarō.

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Je ne connais pas la signification de tous les petits sanctuaires à l’intérieur du grand (les pierres, les arbres etc.) mais c’est un véritable enchantement. A cet endroit en particulier, le chant des grillons et les bruits de la forêts sont très forts. La conclusion de cette expérience sanctuaires/touristes, c’est que j’adore les sanctuaires mais surtout, j’aime qu’on me laisse tranquille avec mes kami (divinités shinto qui animent ce monde).

Après la zone des sanctuaires, je me rends à une dizaine de kilomètres de Nikko, plus loin dans la montagne. Là, se trouvent une cascade et un lac sacrés (oui, ici aussi tout est sacré) : Kegon no Taki, la cascade et le lac Chūzenji. La cascade est tout à fait spectaculaire. Elle se jette du haut de 97 mètres dans un brouhaha d’eau incroyable. Quant au lac, il est effectivement magnifique et très paisible. Mais au moment où je l’admire, le soleil est au beau fixe, et je sens que si je reste une seconde de plus à l’extérieur, toute l’eau de mon corps se sera évaporée et je terminerai comme une seiche desséchée.

Il est donc temps de trouver un refuge… et quoi de mieux, après une bonne marche dans la montagne, d’aller se détendre dans un onsen ? Au bord du lac justement, se trouve l’onsen d’un hôtel. Ni une, ni deux, je m’y rends, et c’est dans un état de béatitude quasi total que je me déshabille et me plonge dans le bain chaud naturel (probablement 50°C) qui sent le soufre. Chaque source d’eau chaude a ses vertus naturelles. Même si je ne les connais pas, je ne doute pas de leurs compositions diverses. Lorsque j’étais allée aux onsen à Tokyo, j’avais gardé mes bracelets en argent, et ils avaient bruni. Cette fois, au contact des eaux de Chūzenji, ils ont pris une couleur presque noire avec des reflets bleus, comme si on les avait trempés dans l’essence ! C’est fascinant. On ne peut ignorer la réaction chimique avec le métal. Je me prélasse une bonne demi-heure dans l’onsen, et prends le temps de me laver les cheveux et d’utiliser tous les produits mis à disposition par l’hôtel.

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Je sors de là tout à fait revigorée et prête à attaquer la dernière partie de mon périple à Nikko : je veux voir l’Abysse de Kanmangafuchi. Ce lieu est numéro un sur la liste des lieux mystiques que j’ai visités et aimés (il rivalise peut-être avec la Forêt d’Aokigahara). Ce lieu, c’est un pont entre l’eau, le ciel et la terre. Car au-dessus des eaux de la rivière qui grondent en cascades impétueuses, il y a une promenade. Le long de cette promenade, tournés vers l’eau, sont alignés des Bouddhas Jizo en pierre, contemplant la force de la rivière.

Lorsque j’arrive là, après une bonne vingtaine de minutes de marche, je suis seule. L’abysse surgit sans crier gare. Il n’y a guère qu’une porte en bois qui fait office de torii. Les bouddhas se tiennent là, sans rien dire, sereins et un peu effrayants à la fois. Au moment où je foule le sol de la promenade, je ressens un inexplicable sentiment de familiarité, et en même temps d’humilité. C’est comme si ces bouddhas veillaient sur l’eau et mettaient en même temps les hommes en garde contre sa puissance.

Pour en savoir plus sur l’Abysse de Kanmangafuchi :

>>> GUIDE NIKKO : Au bord de l’abysse <<<

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Chaque statue est différente mais ce sont tous des représentations du Boddhisattva Jizo, protecteur des voyageurs (ça tombe plutôt bien pour moi qu’il protège les voyageurs) et des enfants. Ils possèdent tous un bonnet et une serviette rouge pour symboliser cela : ce sont les femmes, traditionnellement, qui font ces offrandes. Si vous souhaitez en savoir plus sur Jizo, je vous conseille cet article, très enrichissant. Au bord de l’abysse, j’aurais pu rester encore longtemps. Un drôle de sentiment, comme si j’étais chez moi, m’envahit.

Au bord de l’eau, il y a un petit sanctuaire pour honorer le fleuve. Je fais une prière. J’ai beaucoup de mal à quitter cet endroit, mais je sais que je dois rentrer avant le dernier train. Je m’assieds un moment sur un rocher au bord de l’eau pour écouter le puissant son du courant entre les rochers.

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Je dois me faire violence et m’arracher à la vue des Jizo. Je m’incline pour les saluer avant de m’éloigner. Je sais que cette rencontre restera l’un des plus beaux et plus intenses souvenirs de mon voyage, comme si les Jizo m’avaient fait le cadeau d’un moment toute seule avec eux, un moment où je me suis sentie bénie des dieux.

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