JAPON / Mont Fuji – entre dieux et démons

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Au moment où j’écris ce billet, je suis coincée dans le hall de gare à Otsuki, une ville de la région du Mont Fuji, à cause du typhon Nangka approchant du Japon. Toutes les grandes lignes depuis les montagnes sont suspendues. Les gens attendent donc que le trafic reprenne. Mais au vu du temps à l’extérieur, j’ai assez peu d’espoir de pouvoir rejoindre Tokyo dans la journée (et encore moins Kyoto qui était sensée être ma destination du jour).

Que cela ne m’empêche pas de vous raconter ma journée passée dans la région des 5 lacs, surplombée par la majestueuse figure du Mont Fuji. Il faut deux bonnes heures en train pour rallier Kawaguchiko, le plus grand des cinq lacs, depuis Tokyo. Le trajet en train est déjà un plaisir en soi : on quitte peu à peu la ville pour traverser la campagne et très vite, les montagnes verdoyantes se dessinent de chaque côté du train.

Le meilleur moment est le trajet sur la ligne locale de Fujikyu, qui relie toutes les petites villes au nord du Mont Fuji entre elles : le paysage de montagnes se déroule peu à peu sous nos yeux, et soudain, sur la droite, il apparaît, le grand Mont Fuji, furtif entre les autres montagnes, plus proches, qui le dissimulent, mais il est bien là, avec sa couronne de nuages !

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Avec mon petit sac de randonnée, je décide d’aller directement au bout de la ligne de train, à Kawaguchiko. C’est là-bas que je pourrai prendre un bus qui m’emmènera jusqu’au lac de Sai-ko, plus à l’ouest, bordé par la Forêt d’Aokigahara, dont je parlerai plus tard. Je dépose mon sac dans un casier qui ferme à clé : toutes les gares en sont pourvues, et c’est extrêmement pratique, pour 500¥ la journée, de se débarrasser de ses encombrants pour mieux profiter de la région.

Les lacs, entourés de montagnes, sont magnifiques. J’aimerais descendre du bus et me balader mais une migraine ne me lâche pas depuis la veille. Le soleil, toujours de plomb, n’arrange rien. Pourtant, le temps se fait menaçant : on aperçoit déjà des nuages au loin et le vent laisse présager d’un climat instable pouvant changer à tout moment. Je profite donc du bus, qui m’amène jusqu’à mon premier centre d’intérêt : une « grotte de chauves-souris ». Eh oui ! Car qui dit montagne, lacs, rivières, dit aussi grottes et cavités ! Le lac de Sai-ko est entouré de grottes formées dans la roche volcanique. 

La grotte se trouve dans la Forêt d’Aokigahara. Cette forêt est aussi connue sous le nom de « A sea of trees » – une mer d’arbres. Et lorsqu’on y pénètre, on comprend pourquoi. Je vais faire un aparté ici pour les fans d’un manga appelé Samurai Deeper Kyo dont je fais partie : le corps du héros, un démon, est caché dans cette forêt, dite maudite et abritant de nombreuses créatures mi-humaines, mi-monstres. C’est une forêt de démons. Lorsque je commence à marcher dans la forêt pour rejoindre la grotte, j’ai donc l’impression d’entrer dans une forêt que je connais déjà un peu, mais surtout un lieu de légende.

En savoir plus sur la forêt dite « maudite » :

>>> Explorer la Forêt d’Aokigahara <<<

Après la visite dans la grotte des chauves-souris, qui, d’après un panneau à l’entrée « dorment le jour et sont donc invisibles » – je pense que c’est tout simplement un mensonge : il ne peut y avoir de chauves-souris dans cette partie de la grotte où il y a du passage tout le temps, des spots sur-puissants qui éclairent l’itinéraire et où les visiteurs parlent fort – j’entame une courte randonnée de 2 ou 3 km dans la forêt. Il faut cependant bien prendre garde aux démons qui peuvent la peupler.

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Après m’être enfoncée un peu, je comprends pourquoi on la pense maudite : on dirait un chaos d’arbres, de toutes sortes, de toutes tailles (de grand à immense), qui ont pris racine dans la lave, cette terre noire ayant formé un sol irrégulier. Des grottes et des trous se sont formés, la mousse a pris le dessus. Les arbres ont poussé là où ils ont pu : c’est-à-dire, partout. Des fougères sortent de troncs d’arbres, ça et là, certains arbres sont déracinés, d’autres ont poussé sur leurs racines… Je progresse dans ce paysage à la fois luxuriant et désolé. Cette forêt, c’est comme une étendue où les arbres, la mousse, la terre et la roche qui fut autrefois du feu ne font plus qu’un. J’avance, me demandant si j’ai pris le bon chemin. C’est ce type de forêt où aucun repère visuel n’est possible, qui vous garde si vous vous perdez.

Heureusement, le sentier est plus ou moins balisé. Lorsque je crois apercevoir sa suite un peu plus loin, elle disparaît et s’avère aller dans une autre direction. On monte et on descend sur les couches de lave désormais moussues. Au fur et à mesure que j’avance, chaque endroit semble pareil à un autre, mais en même temps différent. C’est à la fois beau et effrayant, harmonieux et saisissant. Je ne sais pas bien si je trouve ça beau où si j’ai un peu peur. Dans toutes les forêts que j’ai parcourures jusqu’à présent, il y avait des sanctuaires ou des points de culte. Pas dans Aokigahara.

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Je pense rejoindre une autre grotte de lave par la forêt, cette fois pas de chauves-souris, mais de la glace. Je suis curieuse de voir ça. En arrivant à un carrefour, j’ai le choix pour la rejoindre entre deux sentiers de longueurs différentes. Pour profiter (quand même) au maximum d’Aokigahara, je choisis le plus long. Au bout de quelques minutes, je me demande si c’était vraiment une bonne idée. Visiblement, ce sentier est moins dégagé que les autres et assez peu emprunté si j’en juge les quantités de toiles d’araignées (araignées incluses) qui se dressent sur mon chemin. Je continue d’avancer, mais j’en ai très vite assez d’avoir des fils d’araignée partout dans les cheveux, sur la bouche… J’attrape donc un bâton que j’agite devant moi pour me dégager la voie, en étant toute désolée de détruire la maison de ces araignées, mais sérieusement, il y en a beaucoup trop.

Fin de la forêt ! Je comprends pourquoi le sentier n’est pas très emprunté, vu l’état du panneau qui l’indique à la sortie… hum. Finalement, je suis assez contente d’en sortir, mais j’ai envie de remercier Aokigahara pour cette balade. C’est comme si elle m’avait laissé sortir d’elle-même (non mais évidemment, je sais bien que j’ai juste suivi le sentier et que tout allait bien, mais je me plais à croire que le monde est peuplé d’être invisibles qui interagissent avec nous à travers la nature – croyance qui nous rend aussi plus respectueux.)

Comme prévu, je trouve la grotte de glace, Fugatsu Fuketsu, aussi connue sous le nom de « Grotte du Vent ». Il s’agit aussi d’une grotte de lave, utilisée auparavant pour stocker les graines et les cocons, comme un frigo naturel. Plus au nord, une autre grotte (Narusawa cave) que je ne visiterai pas, était même utilisée comme un congélateur naturel : on y stockait de la glace ! Je ne vous épargne pas le selfie dans la Grotte du Vent, parce que tout de même, ça valait le détour !

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Après cette visite et ces grands écarts de températures, je m’interroge autour d’un plat de udon froid sur une nouvelle randonnée dans la montagne, cette fois pour essayer de voir le Mont Fuji d’un autre point de vue.

Mais le ciel se fait de plus en plus menaçant et j’ai peur de me retrouver dans la montagne alors que l’orage éclate. Après un long moment de réflexion – difficile de renoncer à une superbe marche seule dans un paysage si puissant ! – je décide finalement de redescendre vers les lacs.

Une demi-heure plus tard, alors que je visite un sanctuaire au sud du lac Kawaguchiko, Fuji Omuro Sengen, l’orage gronde. Je fais une offrande et je prie devant la divinité Boeuf car c’est le signe astrologique chinois de mon père. Toutes ces cultures ont des origines similaires. Et les dieux n’ont cure de l’origine des hommes, puisqu’ils lisent leur coeur. 

Je reprends le train, cette fois pour Fujiyoshida, la porte vers l’ascension du Mont Fuji. Ascension que je ferais bien un jour… enfin, un jour. Cette fois-ci, c’est simplement pour passer la nuit. Je sors de la gare et me dirige vers le nord. Toute la ville est estampillée Mont Fuji. La gare s’appelle comme ça (Fujisan station), le Mont Fuji est derrière moi mais il est complètement ennuagé.

J’arrive enfin à l’auberge de jeunesse. C’est une maison traditionnelle japonaise, tout en bois, qui me repose rien qu’à la voir. Je suis épuisée de toutes ces courtes nuits et excursions, et n’ai jamais été plus heureuse de trouver une petite chambre. En plus, cette fois encore, les dieux sont avec moi : une chambre moins chère que celle que j’avais réservée est disponible… et surprise, elle donne sur le Mont Fuji !! Ma joie et ma reconnaissance sont à leur comble. Le grand mont reste cependant invisible. Va t-il se découvrir ? J’ai peu d’espoir car la météo annonce le typhon et beaucoup de pluie. Qui dit pluie, dit nuages. Sans grand espoir, je commence donc à écrire, assise à la petite table en face de la fenêtre. Puis je lève la tête pour m’étirer, et que vois-je ! Le Mont Fuji découvert ! On le voit parfaitement depuis ma fenêtre, encadré par les bâtiments.

C’est comme si le grandiose ancien volcan avait accepté de se dégager un peu avant que le mauvais temps ne frappe. Je me sens à nouveau privilégiée, comme si j’étais là en présence d’un dieu. Il restera ainsi pendant plus d’une heure et demi, et moi plantée debout, un sourire admiratif béat à l’observer par la fenêtre. Finalement, il se recouvrira avec la nuit tombée, laissant place au sommeil et au désordre causé par le typhon le lendemain…

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En lire plus sur Tokyo et ses environs :

>>> Guide Japon : voyager à Tokyo <<<

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