Hanoï : insolites clubs d'oiseaux chanteurs

Si vous cherchez à vous immerger dans la culture hanoïenne et à vraiment sortir des sentiers battus, je vous conseille d’ouvrir vos oreilles et vous laisser guider par les mélodies des oiseaux chanteurs de Hanoi. Vous découvrirez que les chants d’oiseaux ne viennent pas des arbres mais de jolies cages ornementées suspendues au plafond d’un café.

Les cafés où l’on peut s’asseoir pour écouter les chants d’oiseaux m’ont toujours intéressée, et je me suis donc penchée sur la question en arrivant à Hanoï. J’ai aussi rencontré un maître oiseleur qui m’a fait part de ses secrets !

Les oiseaux chanteurs : un loisir et un art ancestral

Pour la plupart des gens, y compris les Hanoïens eux-mêmes, ces oiseaux en cage passent complètement inaperçus et font partie du paysage urbain. Mais rien n’est moins vrai ! L’élevage d’oiseaux-chanteurs est très apprécié par les hommes vietnamiens, mais aussi asiatiques en général. Il s’agit d’une pratique héritée d’une tradition chinoise et c’est un art difficile à maîtriser. Du parc Tam Dao à Saigon aux rives du lac Ho Tieng Quang à Hanoï, on se regroupe nombreux autour des oiseaux, et les hommes (peu de femmes pratiquent ce hobby) font souvent même partie de clubs d’oiseleurs.

Il paraît que c’est une façon d’apprécier la nature (les hommes qui s’adonnent à cet art se voient en grands romantiques) mais on dit aussi que leur chant apaise et rend plus vertueux. La pratique est répandue en Asie du Sud-Est, notamment dans les pays avec une forte communauté chinoise, comme à Singapour (lisez aussi mon article sur le Kebun Baru Birdsinging Club).

Bien que ce loisir soit associé aux hommes plutôt âgés, on s’aperçoit vite que cette distraction est également appréciée par de jeunes vietnamiens. Dans les « bird cafés » près du lac Ho Tieng Quang, on voit des soixantenaires amener leurs petits protégés, mais aussi des jeunes pères de famille d’une trentaine d’années. Ils viennent tous avec, une, deux ou trois cages recouvertes d’un tissu en satin qu’ils s’empressent de retirer une fois au café.

Ces endroits spécialement conçus pour accueillir les oiseaux chanteurs sont confidentiels mais faciles à reconnaître : de grands cadres de métal destinés à recevoir les cages sont disposés face aux sièges du café. A Hanoï, si vous vous aventurez autour du lac Ho Tieng Quang jusqu’à la rue Tran Binh Trung (où l’on vend oiseaux et matériel pour les élever), vous rencontrerez au moins deux ou trois cafés d’oiseaux chanteurs. En général, c’est le weekend et en matinée qu’ils sont le plus fréquentés. Auquel cas, impossible de les manquer tant les oiseaux chantent fort !

N’est pas oiseau chanteur qui veut.

Seules certaines espèces d’oiseaux sont appréciées pour la qualité de leur chant. La rue Tran Binh Trung est spécialisée dans la vente d’oiseaux. On y trouve de nombreux « chim van kuyen » (Zostérops oriental) pour seulement 100,000 VND (environ 4€), ce qui probablement l’oiseau chanteur le moins cher du marché… mais certaines espèces peuvent atteindre 20 millions de VND (soit presque 800€). Le Chim Van Kuyen est particulièrement apprécié en ville en raison de sa petite taille : pas besoin de le mettre dans une cage trop grande, idéal pour les petits espaces dans les maisons du Vieux Quartier de Hanoi. Le Bulbul orphée est aussi très populaire parmi les oiseaux chanteurs, mais il est autrement plus gros que le Van Kuyen : avec sa longue queue noire, il a besoin d’une cage beaucoup plus grande pour se sentir à l’aise.

Si le sort d’un oiseau en cage nous semble peu enviable, de nombreux propriétaires d’oiseaux (et membres de clubs d’oiseleurs) soutiennent qu’il faut un vrai savoir-faire pour prendre soin de leurs protégés. Car ces oiseaux ne sont pas des animaux de compagnie : ce sont des oiseaux de compétition ! Luu Van Trong, que j’ai rencontré dans son jardin rempli de cages d’oiseaux suspendues au milieu des orchidées, m’explique : « Pour gagner une compétition, l’oiseau doit non seulement avoir une voix exceptionnelle, mais aussi savoir danser avec grâce. Il est aussi jugé sur la beauté de son plumage. »

Luu Van Trong me révèle que le prix pour un oiseau qui gagne une compétition peut s’élever à plusieurs millions de VND. Les concours les plus importants n’ont lieu qu’une fois par an et accueillent des participants de plusieurs régions. Mais de façon plus locale, des petites compétitions peuvent avoir lieu chaque week-end dans les villages de Hanoï.

Comment élever et entraîner un oiseau-chanteur ?

Luu Van Trong possède une bonne dizaine d’oiseaux différents. Leurs cages sont suspendues entre des pots d’orchidées luxuriantes. On admire, sous sa véranda, un Garrulaxe hoamy (“chim hoa mi”), un Shama à croupion blanc (“chim choe lua”), un étourneau Sansonnet (“chim sao da”) ou encore un “chim khieu Lang Son”, qu’on ne trouve que dans la province de Lang Son, près de la frontière chinoise.

Il entraîne tous ses oiseaux à chanter en leur faisant écouter des chants d’oiseaux forestiers directement sur son téléphone portable ! « On les a capturés dans la forêt… donc s’ils sont mis ensemble et qu’ils écoutent d’autres chants d’oiseaux comme s’ils étaient dans la nature, ils chantent mieux ! » (C’est le moment où je me suis demandée si ce hobby était si moral que ça). Pour les amateurs d’oiseaux-chanteurs, capturer les oiseaux dans la nature est indispensable, car ils sont très difficiles à élever. Une pratique discutable si on considère qu’il ne s’agit là que d’un loisir, donc.

Pendant qu’il nourrit son Rossignol à 5 teintes de morceaux d’oranges, Luu Van Trong me raconte qu’il fait partie d’un club depuis 2 ans. Les clubs servent surtout à partager le savoir-faire autour des oiseaux : les éleveurs les plus expérimentés enseignent aux plus jeunes. C’est apparemment la façon la plus efficace de savoir comment élever des oiseaux. Mais pourquoi collectionner les oiseaux chanteurs ? Luu Van Trong répond simplement qu’il aime la nature. Comme avoir une belle plante, avoir un bel oiseau chanteur fait partie de la même catégorie de hobby.

Mais j’ai quand même l’impression que se passionner pour les oiseaux chanteurs est une occupation particulière, un loisir de passionnés : il paraît que les maîtres savent reconnaître le chant de leurs oiseaux parmi des dizaines d’autres ! Au cours des compétitions, des dizaines d’oiseaux de la même espèce sont parfois mis côte à côte, et malgré tout, les oiseleurs disent qu’ils sont capables de distinguer la voix unique de leur oiseau. C’est un peu magique, non ?

En train de préparer votre séjour à Hanoï ?

>>> GUIDE HANOÏ : L’essentiel à voir et à faire <<<

Cet article est traduit et adapté d’un article que j’ai écrit pour le magazine en ligne Urbanist Hanoi(en anglais) : A Visit to Hanoi’s Birdsong Clubs .